jeudi, octobre 06, 2005

Le pneu crevé

Tom Waits, c'est dans Down By Law qu'il m'a le plus impressionné. Son personnage de pauvre buse qu'on devine vaguement alcoolique est en train de se faire lourder par sa copine, une furieuse qui lui jette tous ses disques à la figure. Lui reste impassible et ce n'est que quand elle menace de foutre en l'air ses chaussures croco de compétition qu'il daigne lui lancer un "Not the shoes" résigné. La classe du taiseux.

On peut aussi imaginer un orchestre de baloche franchement rétro, des athmosphères enfumées, un bar style cabaret avec quelques filles à la peau prématurément vieillie, le regard un peu triste (certaines sont des professionnelles), une majorité d'hommes qui ne se parlent pas.
Un des gars accoudés au comptoir se lève, marche d'un pas un peu chancelant, monte sur scène. C'est un crooner abimé qui chante des histoires qui se ne terminent pas très bien.
Sa voix fait penser à un pneu crevé, disait Phillipe Garnier: les hectolitres de Whisky et les tonnes de goudron l'ont irrémédiablement marquée. C'est tantôt poignant, tantôt chanté avec une indifférence feinte. C'est comme ça depuis vingt-cinq ans. Toujours pareil, jamais vraiment pareil non plus: ça se joue avec des peignes, des cuivres, du piano. Sa musique fonctionne comme je viens de l'écrire: aux rêves et aux ambiances qu'elle évoque. Après, chacun peut se faire sa séance de ciné personnelle.

Tom Waits n'a jamais été vraiment à la mode, sa musique ne vieillit pas puisqu'elle a toujours été un peu datée, mais sans tomber dans les clichés passéistes à la Leon Redbone. Raison de plus pour l'écouter tout le temps, et à tous les âges de la vie.

Extraits de l'album qui l'a vu s'éloigner pour la première fois des athmosphères country et jazzy qui étaient sa marque de fabrique jusqu'alors: Swordfishtrombones (1983). Depuis, il creuse le même sillon.

Le brinquebalant 16 Shells From A 30.6 (MP3)

Le déchirant In The Neighbourhood (MP3)


A noter qu'il a mis plus d'une multinationale en procès, refusant toujours qu'on utilise sa musique a des fins publicitaires: les pubeux sont bien sûr friands de musiques aussi évocatrices. Moby, lui, dit toujours oui. Constatez la différence.

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